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Journal du livre

8 septembre 2013

NaÏveté des noms, mots....


Rainbow Jiggles

Marylin est apparue dans ma vie au moment où mon tout premier couple conjugal était en plein orage, il y a très longtemps... Elle a fait transition entre cette relation en échec et une vie ultérieure emplie de bonheur. Donc j’ai choisi pour la symboliser l’arc en ciel, qui marque de façon multicolore la transition entre la pluie des larmes et le soleil des rires.
Jiggle « signifie « se trémousser « dans l’une de ses traductions anglaises.

Paloma

Je regardais la série-télé « Columbo «, avec délectation, car j’aime les vieilles séries cultes. Donc je décidai que mon héros serait lieutenant de police, comme Columbo. Et pour lui trouver son nom, je suis passé de Columbo à Colombe puis de Colombe à Paloma, sa traduction en espagnol.  Le Lieutenant Paloma n’a pas de prénom.

«....- Nom, prénom, planète, rôle social...
- Lieutenant Paloma, Terrien, de la Police des Affaires Martiennes, je viens pour un médecin...
- Prénom ?
- Je n’ai pas de prénom...
- Il faut un prénom.
- Heu... Paloma...
- « Paloma Paloma «, alors ?
- Oui, pourquoi pas ?.....
- Vous dites ?
- Rien. Je dis : « OK pour Paloma Paloma «.

«.... - Et vous, quel est votre prénom ? Je ne l’ai vu inscrit nulle part dans votre dossier...
- Je n’ai pas de prénom...
Elle pirouettait, virevoltait, marchait de long en large en fumant. L’odeur du tabac qui grillait avait remplacé celle de la bergamote.
- Ce que ça peut être chiant ces cérémonies... J’ai hâte que ça soit fini... Pas de prénom ? Comment ça se fait ?
- On m’a toujours appelé Paloma...
- Bon alors, on va dire : Paloma.....»

Kilikina :

Kilikina est une petite planète multicolore non répertoriée que Paloma a découverte par hasard en se promenant en vaisseau dans l’espace.
Le mot « kilikina « est d’origine hawaïenne et signifie : « Celle qui marche sur les traces du Christ «. Sur l’unique île de cette planète vit un couple composé de deux personnes mortes sur la Terre depuis très longtemps et qui s’étaient retrouvées à vivre là, ne vieillissant plus à partir de l’âge de leur mort. On dit qu’ils y vivent leur mort éternelle.
L’idée d’immortalité pour ceux qui aimaient beaucoup la vie est glissée ici, d’où la référence à Jésus, qui est ressuscité dans la légende. La référence au titre du livre est également présente, car Jésus se disait fils de Dieu...Et comme l' île sur Kilikina est d’un exotisme tropical, un mot hawaîen me paraissait convenir pour baptiser la planète en question.

«... L’auteur ne se posait jamais le problème de l’après-vie, qui était selon lui un faux problème. Cependant à cause de son deuil il avait forcément une espèce de nostalgie de ses croyances de l’enfance et les avait résolues de façon fictive dans son roman, projection peu consolatrice mais réjouissante dans une histoire imaginaire... «

Rams  

On y retrouve assez vite l’anagramme de « mars «. Les Rams sont des êtres nés de l’union d’une Martienne et d’un Terrien, ainsi que leurs descendants terriens.
Même après plusieurs générations de descendance purement terrienne, on continue à être un Rams. Il s’agissait pour moi d’englober à la fois le problème du racisme, de l’exclusion, du rejet de l’autre, de l’incompréhension face à la différence.
Il y a aussi ce petit clin d’oeil à la série-télé « Star Trek «, plus précisément au personnage de Monsieur Spock, né d’un Vulcanien et d’une Terrienne.

Un parfum : le Kakis Gulta Dikis.

«....Elle imprégnait l’endroit où nous nous tenions des fugaces effluves d’un parfum de bergamote, de citron, d’iris et de vanille mêlés...»

De même que Marilyn se parfumait chaque jour au Shalimar, à l’odeur très particulière qui laisse un souvenir olfactif puissant, Rainbow Jiggles s’asperge quotidiennement de Kakis Gulta Dikis.
J’ai choisi le Letton comme langue pour traduire : « Chat « « Lit « « Mare «, et cela donne « Kakis Gulta Dikis «.

Je ne vais pas donner et expliquer ici tous les noms fabriqués, inventés, reconstitués, créés à partir d’une fantaisie de jeux de mots, d’associations sonores, et.c..., que contient « Dieu reconnaitra les Martiens «.... Un savant dosage de mots familiers au lecteur et de jargon imaginaire le conforte dans son envie de « vivre autre chose « et « d’être ailleurs«, et permet de marquer la différence entre l’univers qu’un auteur construit et projette en mots et celui raconté par les autres auteurs, 

les mots

réjouit par le plaisir ludique de l’invention et la découverte de mots inconnus, dont certains deviennent familiers au fil des pages. Il provoque une sorte de complicité entre le lecteur et l’auteur, l’un proposant, l’autre acceptant la forme de langage donnée.

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6 septembre 2013

le sexe comme agent de communication....

Il y a peu de scènes de sexe dans « Dieu reconnaîtra les Martiens «
Il y a une scène de sexualité conjugale terrienne, vue par les yeux d’un Martien qui est l’esclave du couple, mais extraite d’un film terrien, donc imaginée par un réalisateur de cinéma terrien....
Il y a deux scènes entre les deux amoureux, Rainbow Jiggles et le Lieutenant Paloma.
Il y a une scène entre le méchant Yanou le Quinqua, le marchand de volaille, et Blossom, la femme séparée de Paloma.
Il y a une scène entre le colonel Angelos, prisonnier des Martiens, et Ana Pavlona, la jeune martienne.

La naissance d’un enfant, conséquente de ces rapports, survient sur deux registres : les centaines de bébés qui sont le fruit des amours entre les prisonniers terriens et les Martiennes, et le bébé dont une jeune policière accouche, sur Pluton.

Un scène par couple/type, car le roman n’est pas axé sur le sexe au sens pratique du terme, les scènes en question n’ayant pas d’incidence sur l’action, qu’elle ne font qu’accompagner.
« Dieu reconnaîtra les Martiens « n’est pas un livre érotique au sens premier du terme, bien qu’il s’agisse d’une histoire d’amour,  c’est encore moins un livre pornographique.

Un Martien/esclave est intrigué par les bruits qu’il entend venir de la chambre de « Papa « et « Maman «. Il regarde et ne comprend rien à ce qu’il voit. Il relatera l’incident à son supérieur hiérarchique.

«..... - Je viens tout juste d’assister à une scène étrange entre Papa et Maman. Ils s’agitaient dans leur lit en poussant des soupirs... Ca m’a tellement paru bizarre que j’ai tenu à vous en informer aussitôt.
-  Figurez-vous que vos collègues répartis dans les autres familles ont presque tous mentionné des scènes semblables. Seulement, nous ne savons pas encore ce que tout cela signifie. Est-ce qu’ils régénèrent une quelconque énergie ? Est-ce un de leurs moyens de communication ? Imaginez qu’il s’agisse d’une arme qui pourrait nous éliminer, on ne sait jamais...»

Bien entendu je n’allais pas décrire ce qui a pu se passer sur ce terrain entre Marilyn et moi lorsque je raconterais la relation entre Rainbow et Paloma.
C’est la chimie parfaite qui était à évoquer.
J’ai repensé à Primo Levi qui, ingénieur chimiste, avait décidé que les mots, pour faciliter son approche de l’écriture, seraient considérés entre ses mains comme des matières chimiques et que ses textes seraient les résultantes de ces mélanges, de ces expérimentations afin d’obtenir des « solutions «. Je suis resté dans le style « chimiste « pour renforcer ce concept d’ « alchimie «.

« Marilyn parlait souvent à l’auteur du couple idéal que formaient à ses yeux Pierre et Marie Curie, elle avait lu tout ce qu’on pouvait lire à leur sujet, avait vu tous les documentaires, les fictions, et l’histoire de ces deux chercheurs revenait très souvent dans ses conversations.
Marilyn était diplômée de chimie, et avant de devenir céramiste ( une autre forme de fréquentation de la chimie des éléments ), puis enseignante, elle avait exercé des fonctions dans un laboratoire parisien.... «

«.....Nous étions devenus silence et viscosité. Nous entendions nos souffles. Nos frottements nous changeaient en feu, nous étions effleurements, éloignements, effleurements, nos mouvements coulaient comme fluides parfaits, nos pensées s’égaraient en tourbillons.....» (et.c...)


Yanou le Quinqua et Blossom resprésentent le « couple vulgaire «, nulle poésie ne vient pimenter leurs ébats, ils sont grossiers et salaces dans leurs conversations et font des allusions lourdaudes au sexe.

«....- Ah ah ! la Fusée Rose ne te rappelle-t-elle pas quelque chose, ma Craspèque ? demanda Yanou le Gros en défaisant sa combinaison de vol, aparaissant en chemise mauve et pantalon blanc.
- La tienne est plus grosse !
- Comme tu as les idées mal placées, remarqua Yanou en sautillant sur place....»

«....- Les vrais Martiens, c’est comme Ammiel Azazel Samuilu, c’est des costauds, ils ont de grosses couilles articulées de Martiens, deux grosses pastèques boulonnées d’une tonne chacune, c’est pas ces pedzouilles dégénérés muets et crétins tout pleins de glue orange qui leur sort par le trou du cul...Un vrai Martien, ça pense et ça parle... «

Le sexe sans émotions, la simple curiosité technique et biologique du sexe, le sexe ramené à un simple accouplement, c’est Ana, la Martienne, qui le vivra. Elle s’informe cliniquement et amène cela à un fonctionnement biologique terrien et rien d’autre.

«..... Elle a désigné la braguette de mon pantalon d’uniforme :
- Là dessous, pénis de Terrien, je l’ai souvent vu quand tu sors de la salle de bains. Parfois tu en changes, tu en as un plus gros. Mais souvent tu portes le plus petit des deux. Je sais que le plus gros doit entrer dans une vulve .
Elle a fait un long silence tandis que je marchais de long en large.
- Le livre dit que quand un Terrien porte le plus gros de ses deux pénis, c’est qu’il veut l’enfoncer dans une vulve. Donc ça veut dire que quand ça se produit ici en ma présence, tu veux l’introduire dans ma vulve à moi....»

Une évocation fantasmée du sexe intervient lors des délires paranoïaques du vieux Capitaine Kader à la retraite, que la psychologue de la Police a fait interner sur Pluton. Le Capitaine « voit « des Martiennes qui l’agressent sexuellement et cela le choque profondément. Il tient à cette occasion des propos extrêmement orduriers. Du temps de sa validité mentale, quand il dirigeait le Commissariat, il était grosser avec les femmes et les harcelait de propos et de gestes inconvenants.

love


«....Son délire s’est accompagné de propos obscènes et orduriers, il m’a appelée « La teup blonde «, « La tcheubi de la Police «, il a hurlé : « Suce mon gros zboub de capitaine ! «, « Branle mon zguègue galactique  ! « et autres douceurs symptômatiques de sa pathologie aggravée.
Il s’est tordu en tous sens en m’expliquant que le groupe de Martiennes que j’avais introduites dans sa chambre lui « malaxaient les yécou en riant «, lui « léchaient le whopper «, lui « faisaient chécra la purtouse «........ «

6 septembre 2013

Brûlon, l'église.........

Un nom de village étonnant, qui fleure bon la sorcellerie, l’Inquisition, les enquêtes savamment menées par des Colombo du Moyen-Age.  Brûlon existe, c’est un petit patelin situé à mi-chemin exactement entre la ville où réside Mlle X et le mien.

«..... Mme X avait fait une demande d’amie pour faire partie de la liste de contacts Facebook de l’auteur. Ils ne se connaissaient ni d'Eve ni d'Adam... Ils avaient entamé une correspondance privée progressivement riche et colorée, et l’amitié était née et s’était renforcée au fil des mois. Ils ont bien sûr, après ces nombreux échanges nourris, eu envie de se rencontrer, le plan était en deux parties : d’abord faire connaissance seuls, puis organiser un pique-nique avec leurs conjoints respectifs peu de temps après.
Ils avaient décidé que l’endroit idéal aurait été à mi-chemin exactement entre leurs deux villages, et il se trouve que celui de Brûlon se trouvait là, précisément.... Ils choisirent de se voir à la porte de l’église du patelin.  Quelques jours avant le rendez-vous où ils allaient enfin pouvoir se parler autrement que par écrit, Mme X a disparu, elle s’est évaporée sur le net, l’auteur n’eut plus jamais de nouvelles, il resta devant un vide d’amitié, un trou béant qui ne se referma jamais, car il n’eut jamais l’explication de cette disparition soudaine, sèche et brutale. «

Ayant déjà abordé le thème des séparations, qui domine le livre, je ne pouvais éviter d’exorciser cette étrange histoire d’amitié morte par abandon total   de l’un des deux, donc j’ai fait construire par les Martiens une église pour que leurs prisonniers terriens puissent s’adonner à leur culte ( les Martiens ont noté que les trois préoccupations principales des Terriens sont : le sexe, la nourriture, la religion. )


«....Un Martien s’est approché alors que nous avalions à grand bruit notre potage, nous avons relevé les têtes et écouté :
- Demain, nous commençons la construction de votre église....»


 «....Les Martiens ont commencé l’édification de notre église. Ils ont des plans qu’ils consultent attentivement et tentent de bâtir un ouvrage qui serait l’exacte réplique de « l’Eglise de Brûlon «, c’est ce qui est écrit sur leurs plans. Ils ne savent pas lire mais savent interpréter des schémas et donc s’en sortent assez bien et assez vite.....»


«.......- Vive l’Eglise Saint Pierre et Saint Paul de Brûlon !
- Levons nos verres à l’Eglise Saint Pierre et Saint Paul de Brûlon !
Je leur fis signe de se taire :
-Vous célébrez la construction d’une Eglise dont vous ne connaissez pas l’origine : qu’est ce que ce  « Brûlon « ? Pourquoi les Martiens ont-ils voulu édifier celle-ci plutôt qu’une autre ?...»



«.....- Bon, racontez votre légende de l’Eglise de Brûlon, s’il vous plait.
- Et bien on m’a dit que ce village terrien, Brûlon, avait été frappé de malédiction et qu’il était déserté depuis longtemps. Nous avons donc récupéré son Eglise toujours vide,  pour la rebâtir ici, pour vous qui manquez de votre dieu.
- Quelle malédiction ?
- Je ne sais pas, Colonel Anastasios....»


Par la suite, dans mon récit, l’église de Brûlon se voit peu à peu ensevelie, lentement mais sûrement, par la poussière rouge de Mars, qui monte le long de ses murs. J’ai réalisé, après avoir écrit le texte, que j’avais imaginé une métaphore à mon insu : le souvenir de l’amitié abandonnée par Mme X s’évaporait petit à petit, j’y pensais de moins en moins, j’ai mis un point final moi-même à cette interrogation en « enterrant« mes questionnements sur ce mystère. Il faut savoir conclure, l’écriture est peut-être un bon moyen pour régler ces problèmes qui se nourrissent de notre temps et de notre insouciance.

église de brulon sur mars



«......l’Eglise Saint Pierre et Saint Paul est abandonnée. J’ai remarqué que la poussière rouge monte lentement le long des murs, elle va peut-être un jour l’ensevelir......»

«..... Le Dunnik s’élève, et ma dernière vision du Trou Qu’on Voit De Loin est l’éloignement, au dessous de nous,  de l’ Eglise Saint Pierre et Saint Paul, dont seul le toit émerge de la poussière, le Père Vendelin s’y tient debout, près du clocher et nous fait de grands signes de croix. Les Martiens se tiennent autour, les yeux levés vers nous......»

5 septembre 2013

La vie comme une suite de séparations.....

Toute l’histoire racontée dans « Dieu reconnaîtra les Martiens « est articulée, entre autres thèmes, sur celui de la séparation.
Les personnages ne font que se séparer, il faut donc lire et ressentir les évènements en négatif, les réunions sont brèves, illusoires, prétextes à provoquer leur contraire : le récit englobe une séparation importante, celle de la mort de Rainbow Jiggles qui va écarter de leur couple le survivant : le Lieutenant Paloma, avec une annonce prémonitoire, celle de l’évanouissement de l’héroïne, qui perd conscience, celle de son séjour à l’hopital de Pluton, et vont se greffer sur cette disjonction majeure de multiples séparations, d’où l’idée de fractales, qui sera clairement évoquée lorsque l’un des protagonistes, Yanou Le Gros, après avoir pris une drogue dans un cabaret vénusien, se divisera en fractales sur sa chaise, à sa grande jouissance. Il se sépare de lui-même pour mieux se multiplier.

«.....Sur sa chaise, il reposait en un amas d’alvéoles à surfaces irrégulières, comme l’intérieur bleu électrique d’un poumon de terrien. C’était la résultante de son complexe d’auto similitude, sa tendance prononcée à l’égocentrisme s’étant développée en un paquet d’une sorte de viande visible et tremblotante dont les éléments étaient tous identiques mais qui s’observaient en réduction à mesure qu’on approchait de lui pour mieux en distinguer les détails. Il y avait l’amas de Yanou, qui se subdivisait en Yanous plus petits, chacun d’eux étant constitué d’autres Yanous en miniature et ainsi de suite à l’infini.
C’était Yanou Totalitaire, Yanou le Tyran,Yanou l’Unique, Yanou le Yanou.
Cela lui donnait une idée de ce qu’il aurait pu ressentir s’il avait été parfaitement heureux loin de Vénus, si les autres ne l’avaient pas empêché, par le simple fait d’exister,  d’être à lui seul la population totale des galaxies....»

( Les lecteurs amateurs des textes de Raymond Roussel auront décelé l'humour d'une parodie de cet auteur singulier, dans le paragraphe cité.)

Les réunions entre acteurs de l’histoire ne sont que prétextes à les désunir, ils sautent sans cesse dans leur vaisseau pour s’en aller, ils ne font que s’en aller, se quitter. Paloma se sépare de sa femme, Blossom, pour rester avec Rainbow. Les parents de Rainbow sont divorcés. Rainbow est en plein divorce avec son mari. Le Capitaine Kader est mis à la retraite et un pot de passation de pouvoir le fait exprimer sa rancoeur de redevenir un simple civil. Le père de Rainbow perd conscience et agonise à l’hopital.

«... Dieux des galaxies, pensa le Capitaine Jiggles en observant tout cela, il sera donc encombré de tout ce merdier jusqu’à sa fin, mon pauvre Papa, et nous ne le reverrons donc plus jamais debout, nous n’entendrons plus jamais sa voix ?.... «


«.. L’auteur avait été marqué par de multiples séparations durant toute son existence : il avait divorcé, puis il avait subi la mort de Marilyn, il avait quitté son travail, il avait changé de région, ses grands parents étaient décédés, sa famille d'origine : disloquée. L’écoeurement, conséquence, de nombreuses scissions toujours mal vécues avait influencé le fil conducteur de son  livre... «

La mère martienne du petit Angelos, né de son union avec le colonel terrien prisonnier Anastasios, rejette leur bébé dès après sa naissance.

«.....- Ce n’est pas mon enfant, c’est le tien. Nous les Martiens n’avons jamais eu d’enfants et n’en voulons pas. Quand je serai en état de partir, tu le prendras avec toi : je ne veux plus jamais en entendre parler.
Elle s’est levée et est sortie....»


Au cours du récit, Paloma connait un moment de méditation mélancolique au sujet de son ressenti face à la séparation, alors que Rainbow semble avoir disparu de façon inexpliquée. Ce qu’il essaie de comprendre à cet instant devient prémonitoire de ce qu’il connaîtra à la fin du roman.

«....je me dis qu’en aucun cas l’absence n’est l’ennemie de l’amour, qu’ elle peut même renforcer des liens interrompus, qu’elle peut donner une impression de délaissement ou d’oubli, mais qu’au fond la tristesse réside dans l’absence de désir et là rien ne me permettait d’imaginer que Rainbow m’aurait amnésié, son absence lui donnait même plus de prestige encore à mes yeux et amplifiait mon besoin de la voir là, près de moi, au lieu de commencer à m’élaborer des hallucinations pour compenser....»

séparation

4 septembre 2013

Du cinéma dans le texte....

J’ai voulu que le cinéma soit présent comme élément culturel important aux yeux du lecteur, qu’il ne puisse échapper au cinéma, que l’art de l’image qui raconte soit évoqué puissamment et constamment pendant toute l’écriture, j’ai vu ce livre comme on voit un film, car mes interférences parasitaires de sinesthésie y trouveraient soulagement.

La sinesthésie est un avantage et un inconvénient. Elle a un côté pratique pour ce qui est de repérer facilement une suite de sons ou les notes qui composent un accord, même complexe, elle peut être gênante lorsqu’on écrit et que l’on doit faire imaginer au lecteur ce que l’on voudrait qu’il voit, car soi-même on a tendance à le « voir « sans efforts, rien qu’un mot simple ou une phrase est porteur d’une image riche, et donc, par minimalisme dans la rédaction, on peut attraper une tendance au survol de la chose contée, défaut qu’il faut surveiller sans cesse en se disant qu’il faut à la fois enrichir et savoir élaguer. Donc je fais appel au cinéma, qui représente le mouvement de ce qui serait immobile fixé par une photo ou par une phrase ( une phrase peut être considérée comme une sorte de suite de photos fixes dont la succession qui procure le mouvement, serait à se construire mentalement à partir de la combinaison de ces mots, de leur choix ).

Afin d’affirmer la présence forte de ma volonté de « cinématiser « mon récit, j’ai introduit de multiples situations cinématographiques, notamment en montrant le long extrait d’un film que regarde pour le plaisir le Lieutenant Paloma, film qui s’intitule « Mon grand-père Martien « et qui s’interrompt brutalement parce que son spectateur est gêné par l’obsession de l’image de Rainbow Jiggles, qu’il venait de rencontrer, image qui s’interpose entre lui et l’écran.
 L’image du visage de Rainbow devient plus puissante en force visuelle que celles du film, alors qu’elle n’est que le produit de la mémoire de Paloma, au point qu’il ne voit plus l’image de cinéma sur l’écran qui lui fait face. Donc il ne regarde plus le film afin de s’abandonner à la pensée de celle pour qui il a ressenti un violent coup de foudre.
 
« ...... L’auteur avait vécu cela : dès la première rencontre avec Marilyn, après qu’ils se furent quittés ( leur rencontre avait eu lieu à l’occasion d’une réunion pédagogique d’enseignants ), il se sentit habité, hanté par la pensée et l’image de cette jeune femme au point que, voulant regarder la télévision, il ne fut plus jamais en mesure de suivre un programme, il faisait semblant de le voir, mais il y avait entre lui et l’écran l’image de Marilyn, ce phénomène obsédant et répétitif ne prenant fin qu’à partir du moment où il a vécu avec elle et qu’il l’eut en présence en permanence à ses côtés.... «

«....L’écran de ma télé s’épanouissait au mur, en face de moi, en partie masqué par mes pieds. Il s’agissait d’un très vieux classique du cinéma terrien que je connaissais par coeur mais dont je ne me lassais pas : « Mon grand-père martien. «, réalisé par Christian Raphaël, joué par des acteurs merveilleux : Gaël Eric, Bettino Ulisse, la si jolie Ayaka Kokoro et le vieux  Hayim Jaron, le tout enrobé d’une musique inoubliable de Zhelyazko Sergey Damyan. ...»



‘.....J’interrompis brusquement la projection.
Le visage de Rainbow Jiggles ne cessait de s’interposer entre l’écran et moi, cette vision m’empêchant de me concentrer sur « Mon grand-père martien «...... «


L’un des films qui m’aura le plus marqué aura été « La dolce vita «, de Fédérico Fellini. J’ai voulu reconstituer le début de ce film en en faisant visionner les premières images par des Martiens installés dans la cathédrale de Rouen, au cours d’un rêve de Paloma.
Ce film a été choisi pour des raisons diverses, dont la principale est que Marilyn et moi l’avions souvent regardé, nous étions très amateurs de films italiens, et cela m’a apaisé de faire allusion à ce film dans mon texte, je me suis replongé dans ces moments délicieux où ma compagne et moi goûtions côte à côte ces chefs d’oeuvres de bon cinéma que je regarde désormais seul depuis que j’ai le courage de les aborder de nouveau.

dolce vita



«....Il y eut cette statue du Général O qui pendait au bout d’un câble et qui volait, transportée par un globuss, au-dessus de la poussière martienne... Ce couple de Martiens faisant l’amour dans la chambre d’un globuss prêté par une amie... Cette Martienne Gros Tétés que le héros entrainait à marcher dans l’eau d’un grand bassin orné de rochers et de statues blanches,  en son centre, et qui gueulait :
- Kapena ! Kapena !....»

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3 septembre 2013

Un espace pour deux.....

L’espace ne représente que lui-même, dans « Dieu reconnaîtra les Martiens «. J’ai bien sur dès le début de l’écriture que j’aurais pu situer cette histoire dans une toute petite ville, celle qui donne le titre de mon premier livre « Voir Y. et mourir .... « Car c'est là qu'elle s'y est vraiment déroulée, mais il me fallait un décor prêtant à l'onirisme pour y faire se dérouler cette tragédie.

Je vis dans un univers très étroit, je reste des heures assis à mon clavier, devant l’écran brillant du pc, c’est un univers peau de chagrin, qui porte bien son nom. Je sors peu, je ne vais jamais loin, je suis comme un ermite.

Ne voyageant pas, menant une vie statique, j’ai eu besoin d’un maximum de champ pour faire vivre mes personnages et donc la galaxie, le système solaire, les planètes m’ont paru le seul terrain possible. C’est le terrain du « no limit «.

Les personnages se déplacent en vaisseaux, qu’on appelle rakete ( mot qui vient de rocket ), et qui font penser à de grosses voitures américaines sans roues, j’avais en tête la vision de ces bagnoles ailées toutes en chromes et enjoliveurs maintenues en état par les Cubains pour sillonner leur île.

« ... L’auteur ne s’était jamais préoccupé de s’intéresser de près aux voitures, pour lui c’était juste des véhicules pratiques pour aller d’un point à un autre assez vite. Il avait collectionné les pv pour excès de vitesse  jusqu’à ce qu’il se décidé à respecter à la lettre le code de la route. Ce qu’il aimait avant tout, c’était de rouler en écoutant de la musique ou la radio...Mais dès qu’il le put il abandonna le plus possible les trajets automobiles pour prendre le train....»

Dans « Dieu reconnaîtra les Martiens «, l’espace et les planètes sont décrits de façon sommaire car ce sont des prétextes à trajets. L’espace est noir et il y a des petits points lumineux formés par les étoiles. Ce choix du minimalisme m’a contraint à faire de gros efforts d’écriture, car comment décrire un décor qui n’existe pas ou presque, ceci plusieurs fois dans un livre, à chaque voyage interplanétaire ? ( Et ils sont nombreux : les personnages vont et viennent sans cesse d’une planète à l’autre ).

Voici donc des exemples de la façon dont j’ai essayé de vaincre cette difficulté :

 
«....Tel pilote avait équipé le sien de plaques telluriques soudées au nuage d’Oort reconstitué, tel autre avait choisi un revêtement couleur héliopause, avec de fausses rayures de vents solaires, la grosse frime. Mon rakete, un vieux modèle de chez Cïtröö, avait un look rétro, tout chromes, à carrosserie éblouissante,  je l’avais acheté d’occasion à une vieille femme qui ne pouvait plus piloter à cause de sa vue déficiente, elle l’avait soigné et entretenu pendant des années comme un bébé si bien que malgré ses dix ans d’âge, il était comme neuf. Je l’avais conservé exactement comme elle me l’avait vendu, avec ses numéros d’immatriculation de style neptunien, très kitsch, et ses vingt trois phares avant à effet comète, pas un de plus, pas un de moins....»



«....Kilikina présentait la faculté d’agir elle-même sur ses couleurs, passant du jaune au brun clair, avec des tâches argentées, rouges, bleues, qui apparaissaient et disparaissaient au gré du hasard. Parfois j’avais l’impression que ces nuances mouraient dans un dernier sursaut chromatique éblouïssant. Ceci était peut-être du à des modifications furtives de sa croûte de sable en surface, ou de l’eau qui l’enveloppait,  parfois Kilikina toute entière devenait vert métallique pendant quelques secondes, avant de recommencer à se parer de teintes brique ou mauve amande. Et soudain, ce globe luisant dans le noir évoluait vers un blanc pur qui me contraignait à fermer les yeux...»


«.....De temps en temps de petites pierres de rencontre faisaient crépiter la carrosserie. Ou bien l’on traversait de grands nuages de graviers célestes, fins comme du sable, qui caressaient les flancs de mon engin comme un vent solidifié.
Puis de grandes zones d’ébène spatial, de vacuité infinie, de gouffres nus, piquetées de points d’or, se présentaient successivement comme d’immenses vagues de soie noire.....»


C’est pour cela que l’on ne peut pas vraiment classer ce livre dans la pure catégorie « Science Fiction», car la science n’y est pas, je ne suis pas du tout scientifique ni très passionné de science ou de physique. Je me suis souvent gratté le cuir chevelu pour savoir dans quel genre littéraire il allait trouver sa place. Je crois que le terme « Fiction Futuriste «,serait le plus indiqué...?

univers espace galaxie

2 septembre 2013

Des chansons, beaucoup de chansons....

Dans  « Dieu reconnaîtra les Martiens «, j’ai essayé de donner l’impression d’une bande-son, constituée de nombreuses chansons. Ceci pour des raisons simples : les personnages dont je m’inspire pour incarner ceux du roman ont tous été des auditeurs de chansons : Marilyn en écoutait tout le temps, Cathy en écoute très souvent aussi, moi-même je me nourris de chansons, et j’ai eu cette chance de savoir en composer, d’en écrire le texte, et de les enregistrer, c’est un mode d’expression qui dessine bien l’univers et la personnalité de l’auditeur aussi bien que de l’interprète.

J’ai vu mon roman comme on voit une série-télé : les chapitres s’appellent « épisodes «, et j’ai vraiment imagé comme sur un grand écran, avec des couleurs et des cadrages que j’ai essayé de suggérer au lecteur. J’ai également essayé de donner cette impression de série par l’introduction de flash-backs, par des séquences oniriques, par des points de vue multiples et variés.

On entend souvent des chansons dans les bandes-son des séries, par exemple Marilyn et moi adorions regarder ensemble « Ali Mc Beal «, une série américaine humoristique qui se déroulait dans l’univers des avocats américains new-yorkais, et cette série était truffée de chansons, qui illustraient, soulignaient, concluaient.

Mon livre est une tragédie, je me suis souvenu des tragédies grecques où le Choeur intervient pour commenter, souligner l’action, voire critiquer un personnage, son action, ses propos.
Le caractère religieux de la tragédie grecque a été rappelé par l’intervention dans le décor d’églises et de cathédrales, comme je l’ai déjà écrit ici-même. Le titre du livre commence par le mot « Dieu... « et même si un jeu de mot ( à partir de « Dieu reconnaîtra les siens ... « ) est à l’origine de ce titre, il est indéniable que je désirais replacer l’ensemble sous une lumière directement colorée par celle qui perce un vitrail. Une espèce de douce poésie multicolore et mélancolique étant recherchée, teintée de la nostalgie de l’enfance...

J’ai écrit plusieurs textes de « chansons « ( elles sont imaginaires, elles font partie de l’histoire, elles n’ont pas de musique, elle « n’existent pas «...) spécifiquement pour ce texte. J’ai commencé par « citer « une chanson directement reprise d’un répertoire que j’avais composé pour une exposition que j’avais organisée en 2011 et qui s’appelait « Deuils «, où j’avais montré des toiles, une bd, des dessins, une petite installation, et où j’avais joué en live des chansons écrites pour l’occasion. L’une d’elle concernait un ami récemment défunt, qui m’avait hébergé chez lui pendant ma grande dépression, celle qui avait suivi immédiatement le décès de ma compagne et qui avait duré plusieurs mois. Cet ami et sa femme m’avaient offert l’hospitalité pour que je prenne repos chez eux à mon rythme et à ma convenance, et je me souviens d’une lente et graduée reconstitution, j’en était très reconnaissant envers ce couple d’amis, et puis des années plus tard cet ami est mort. Tout le monde l’appelait « Vieux Phoque «, il était marin dans l’âme, avait beaucoup navigué, c’était un homme  à la personnalité bien affirmée, qui écrivait des livres de contes mythologiques, d’où ce rapport entre mon livre et la tragédie grecque, d’où cette chanson que j’ai tenu à insérer dans mon texte. Ici elle est utilisée comme chant de Policiers des Affaires Martiennes, lors d’une cérémonie de passation de pouvoirs, mais à l’origine c’était un hommage à ce grand ami disparu et qui nous manque toujours et encore cruellement.

« Sans nouvelles du Capitaine
Pas la peine de chercher
Une seule trace de vie humaine
Au milieu des planètes
Il vaut mieux nous résigner
A reprendre l’espace
Nous serons accompagnés
De sa présence imaginaire...»

Mais j’ai également imaginé des chanteurs dont les productions ponctuent et jalonnent mon histoire. Draskö est un chanteur de variétés, il symbolise à lui seul la chanson populaire, un peu mièvre, fleur-bleue, au texte de pacotille poétique et sentimentale.


« Cette nuit je suis seul, bien seul dans mon globuss.
Je ne dors pas, je pense à toi, j'ai peur.
Je pense à toi, je pleure, tu n'es pas là.
Ou es tu, je te cherche partout dans la nuit, dans l’espace.
Dehors il fait nuit, le soleil a disparu,  j'ai froid à ma vie.
Dehors il fait nuit, le soleil a disparu,  j'ai froid à mon cœur.
Où es tu, mon amie, où es tu mon amour, il fait nuit dans mon cœur.... «


Le chanteur le plus présent et le plus important du récit, c’est Mashimi. Mashimi est un artiste plutonien que Rainbow Jiggles adore écouter, au point d’emmener Paloma dans un cabaret où il se produit. Ici c’est toute l’histoire de ma relation avec l’écrivain japonais Mishima qui intervient. Mishima avait un talent fou, il a laissé des textes merveilleux, et il faisait partie de mes idéaux d’avenir lorsque j’étais adolescent : je me rêvais en écrivain, avec dans mes traits de personnalité certains venant tout droit de Mishima. Je me suis appliqué à l’imiter notamment en étudiant le iaïdo, l’art du sabre sans adversaire, en essayant de rattraper mon inactivité sportive et guerrière par la fréquentation d’une association de cow-boys et la pratique du tir à armes anciennes et du tir à air comprimé, par l’exercice de manipulation du katana, le sabre des samouraïs. Mishima m’impressionnait par le mélange de délicatesse intellectuelle, de finesse dans l’écriture, par la subtilité de sa pensée et par certains aspects brutaux et musclés qu’il avait adoptés, et qui contrastaient avec son côté purement intellectuel. Je l’ai glissé dans mon histoire, je l’ai évoqué, sous les traits donc du chanteur plutonien Mashimi.

«  Regarde-toi, regarde-toi, regarde-toi, regarde-toi Terrien !
    Est-ce que ta maman sais ce que tu fais?
    Regarde-toi, regarde-toi, regarde-toi, regarde-toi Terrien !
    Est-ce que ta maman sais ce que tu fais?
    Va voir du côté des Quatre Astres de Fannar
    Aies confiance en ton destin et inspire la douceur
    Enlève ce bibelot de l’étagère
    Tout ce qui est ici peut être changé.... «

Une autre des nombreuses chansons de Mashimi :

«  Au moment où je t’ai rencontré, je le jure,
J'ai senti quelque chose, comme si, quelque part,
La grâce m’avait touché...
Et puis, le moment où je t'ai rencontré la seconde fois
J’ai su que nous étions amoureux
Il devait en être ainsi, cela ne pouvait être autrement... «


Djordje Saša est un chanteur qui plaît aussi aux deux héros, Paloma et Rainbow Jiggles. Il chante sur des thèmes qui correspondent à ce qu’ils vivent, à ce qu’ils ressentent, et dans le livre, il est aussi un membre symbolique du Choeur.

« Comment pourrions-nous rester amicaux
   Après toutes ces portes claquées
  Comment pourrions-nous rester tranquilles
  Après cette guerre ?
  Hé, les Terriens,
 Venez participer au festin
 Ca se fera pas sans vous... «

choeur antique

31 août 2013

Nourriture et brûlure.

Je ne pouvais faire de ce livre un livre exempt de références à la gastronomie ( ce livre " Dieu reconnaîtra les Martiens " ).

Marilyn, le modèle de Rainbow, était férue de cuisine. Elle était gourmette et gourmande et fine cuisinière. Elle adorait faire de petits plats même en semaine de travail et adorait composer le menu d'une réception d'amis ou de familiers. Elle regardait, sans jamais les manquer, les émissions culinaires à la télévision. C'était un pan important de sa sensualité.

Dans le livre, j'ai cherché à ne pas casser le mouvement de l'avancée du temps et des actions par des repas et des prises de nourriture. Cependant, la première fois que Rainbow Jiggles se fait observer de loin par Paloma, qui est dissimulé derrière un pilier, elle est en train de prendre un repas.

Mais pour bien montrer l'importance de la gastronomie et des nourritures dans la vie de Marilyn, j'ai décidé que les prisonniers sur Mars passeraient beaucoup de temps à table, et j'ai mentionné en détails chaque repas préparé avec soin par les cuisiniers martiens. Et cela m'a donné l'eau à la bouche chaque fois.J'ai reconstitué chaque fois le menu pour rappeler le style de Marilyn qui passait beaucoup de temps à m'entretenir de ses choix de mets et de boissons, qui changeait d'avis, modifiait son plan d'action, reprenait sa réflexion.  Elle aimait les repas de fête, elle aimait inviter des proches et des amis, elle se sentait bien, entourée de gens qui riaient et chantaient, tout en goûtant à de délicieux plats.

 

.....Au menu : de bonnes asperges vertes au jus de viande, accompagnées de petites patates rôties dans leurs peau, avec des boulettes de boeuf et du succulent roti de porc sauce curry, noyé dans la sauce des petites asperges. Comme dessert, un gros mille-feuille à la framboise.
Un délectable Châblis consommé à volonté nous a un peu étourdis.....

Ce plat, le premier, a été adopté pour mon texte pour faire transition entre Marilyn qui aimait la bonne nourriture et une amie qui elle aussi est bonne cuisinière. J'ai repris sa description ( par mail ) d'un diner qu'elle avait concocté et cela m'a permis d'entrer en douceur dans l'univers des mets en passant d'une personne bien vivante et bien chaleureuse à une personne définitivement plus cuisinière ni rien d'autre, cette transition m'a évité la brusquerie. Je n'avais pas envie de me " tremper dans le bouillon " trop vite, le plat de cette amie a fait passerelle entre le domaine des vivants et le domaine des morts.

.....- Je voudrais bien savoir depuis combien de temps nous sommes ici, a-t-il demandé, tandis que nous dégustions des bouchées croustillantes au thon, et qu’il nous versait du vin blanc de Gascogne....

 

...Encore un formidable diner... La zarzuela est un succulent mélange de lotte, de calamars, de moules de bouchots et de langoustines agrémentés de blancs de poireaux, pommes de terre, oignons, échalotes, avec du céleri, et puis ces petits goûts subtils de laurier, de romarin, de persil, de safran et de piment qui planent sur les papilles, ils ont fait fort les Martiens ! Le tout a été présenté dans de grands plats ronds, avec les crustacés orange disposés comme pour composer un vitrail circulaire, alternant avec le jaune vif des petites tranches de citron, l’ensemble piqueté par les points noirs brillants des coquilles de moules et les petites taches vertes du persil....

( Et.c )

 

La disparition soudaine et brutale de Marilyn a été liée à la confection d'un plat des mains de Rainbow Jiggles, le plat inachevé, interrompu par l'attaque d'un ennemi puis par le malaise de Rainbow qui s'en est suivi, étant bien clairement la métaphore de notre amour fracassé en plein vol. Afin de boucler la boucle, j'ai fait participer comme aide cuisinière Olive, une amie de Rainbow, et puis quand Rainbow est partie définitivement pour un hôpital sur Pluton, Olive a pris le relai sur les recommandations de Rainbow. Il se trouve qu'Olive est l'incarnation romanesque de K.Ro, l'amie dont j'ai cité le plat en premier et qui m'avait permis de passer du royaume des vivants à celui des morts, et que la même Olive ( K.Ro ) finit le dernier plat de Rainbow, m'aidant à refaire la route inverse : passer du royaume des morts à celui des vivants. Car Olive vient de Kilikina, une petite planètre ou revivent ceux qui ont tellement aimé la vie qu'ils y vont passer leur mort éternelle, vivants à tout jamais. L'amour que j'aurai vécu avec Marilyn aura été un plat savoureux confectionné de ses mains et interrompu par une attaque ( dans la vraie vie, une attaque... cardiaque ).

...Olive se leva pour l’accompagner à la cuisine, à côté du bar. Rainbow lui montra le contenu d'une grande casserole.
- Tu as vu, dit-elle, j’ai mis mes pois à tremper pendant deux bonnes heures au moins, c’était prévu pour notre dîner, à Paloma et moi, mais il y en a largement pour quatre....

Marilyn fumait et buvait un petit coup tout en cuisinant, elle avait le clope à la bouche et travaillait ainsi.

...Rainbow avait coupé sa carotte en fines rondelles. Elle prit une souple côte de céleri d’un vert très tendre et en fit des lamelles. Auparavant elle avait bu une gorgée du verre que je venais de poser auprès d'elle, avant de me rasseoir sur le canapé, et elle avait tiré une taffe de sa cigarette.....

.........- Bon, je fais fondre un peu de beurre, dit Rainbow... Olive, donne-moi le lard, l’oignon, la carotte, s’il te plait.... Et aussi le céleri....
Rainbow but rapidement avant de se remettre à faire tourner sa cuiller de bois. Une odeur merveilleuse vint jusqu’à nous.............

 

..............J’entrainai Olive par le bras jusqu’au garage, ouvrit le coffre du Waltraud encore tiède et lui tendis un équipement de passagère.
- On y va... On les rejoint... Enfile une tenue, Olive... Eteins d’abord le feu sous les pois cassés, ça va brûler........

 

...........Et voilà, ça sera la dernière allusion culinaire du livre, " éteindre le feu ( de la vie ) les pois cassés ( ici c'est une allusion à l'équilibre des poids d'une balance, la mort étant symbolisée par le bris de ces poids et donc le déséquilibre s'installe) ça va brûler....

marmite


En effet, la brûlure fut vivace et ça brûle encore, ce feu d'enfer...

 

 

 

30 août 2013

Une vie de papier...

Pendant longtemps j’ai tenu un journal car ce que je vivais avec Marilyn me paraissait si merveilleux que je notais ce qu’elle me disait lorsque ça me semblait frais, spontané, que je voulais que ça reste gravé, qu’on trouve un jour ce journal et qu’on se dise : « Qu’est ce que cette femme était valeureuse... «

A la relecture ( souvent pénible car elle me replonge dans des moments heureux et déclenche un phénomène de nostalgie ), je me suis rendu compte qu’au fond je tenais pour géniales des phrases intelligentes mais nées d’un esprit tout à fait sain et normal. Ca sortait de la bouche de Marilyn : c’était du nectar.

Lorsque j’ai entrepris de la faire figurer sous les traits de Rainbow Jiggles, j’ai tenu à ce que les mots de Marilyn, ses propos, ses remarques, y compris anodines, figurent dans le livre, prononcés par l'héroïne,  afin que mon statut de dépositaire privilégié de sa mémoire apparaisse effectif.

Je savais qu’en conservant le naturel de Marilyn au travers de Rainbow, qu’en ne cherchant pas à en faire une héroïne mythique et sanctifiée, une icône, sa réalité n’en deviendrait que plus tangible par l’évitement de son idéalisation. Le propos était :
« Il y a eu une femme de grande qualité qui a traversé son temps de vie trop vite et qui n’a jamais voulu laisser de traces. «

« L’auteur enviait cette qualité qu’avait Marilyn, qui était la modestie naturelle. Elle était discrète, elle ne cherchait pas à se mettre en valeur et détestait se montrer en public, prendre la parole. Pour s’exprimer lorsque cela était indispensable, par exemple au cours d’une soirée, elle s’étourdissait avec un ou deux verres de vin pour se donner du courage... «

La modestie et l’introversion de ma compagne disparue ne transparaissent pas dans mon roman, et donc, pour rester fidèle à la nature du modèle, je l’ai faite appréciatrice de vin.

Il se trouve que Marilyn adorait fumer également, et je me suis résolu à faire de mes héros des fumeurs, ayant conscience que cela pourrait poser problème à un éditeur scrupuleux.


...- Lieutenant Paloma, verriez-vous un inconvénient à ce que je vous offre une cigarette dehors, sur le parking des rakete individuels du personnel ?....


.......- Et voilà, c’est chez moi ! Installez-vous, Paloma... Je vous sers du vin ?

vin rouge et cigarette


       - Oui, pourquoi pas ?
       - On dit que le vin est un lubrifiant social, hé hé ...Vous pouvez allumer un clope, il y a un paquet sur la table basse........


..... - Donne-moi une cigarette, veux-tu ?
      - N’en ai pas sur moi...
      - Putain je ne me souviens même pas où j’ai oublié les miennes. Trop de trucs à penser....Bon ça fait rien on en demandera au guichet.....


.......- Je vous mène à la lingerie ?
       - J’ai une de ces envies de fumer ! dit Rainbow...


.......- Vite un clope ! un clope ! un clope ! s’excita Rainbow en sautant à son tour au sol. Bon c’est où l’entrée de ce bouis-bouis ?.....


Et.c...

29 août 2013

A love supreme....

C’est la construction du fabuleux morceau de John Coltrane, « A love supreme «, sa construction, mais aussi son esprit, qui est celui de la recherche d’une traduction de l’essence amoureuse par le son, mais littéraire pour moi ensuite facilitée par le travail majestueux et prestigieux du créateur, qui a inspiré ma propre construction en fractales du livre « Dieu reconnaîtra les Martiens «.

Car à l’origine, voulant retracer les émotions des dix huit ans passés avec Marilyn sous le projecteur des métaphores, et étant atteint de synesthésie, toute trace descendante de Louis Bertrand Castel avec son clavecin oculaire, et toute trace descendante de Scriabine,  et voyant des formes et des couleurs liées aux sons, il me fallait un support sonore pour mettre en images cette liaison, ou du moins le suc de cette liaison amoureuse, ce qui donnait le trajet suivant : musique/émotions/formes et couleurs/ phrases.

Et donc, connaissant par avance les émotions à transcrire, c’est « A love supreme « qui me donna la solution. Car les émotions imagées liées à ce morceau sont les mêmes pour moi que les émotions imagées ( je « vois « mes émotions, je ne les ressens pas comme des manifestations invisibles qui passent comme des souffles d’air, elles ont une texture, une forme, elles ont un son. )

Le morceau commence par un lever de soleil sonore, le saxophone ténor,  puis les nuages viennent cacher tout ça, il n’y a plus que des nuages ( la contrebasse ), puis le saxophone ténor raconte la vigueur de cette histoire et ses méandres évènementiels, et des voix nues et tristes interviennent, qui sont le résumé de l’histoire ( un amour suprême ) mais aussi le choryphée qui va faire que l’auteur, l'un des narrateurs, le Lieutenant Paloma, va dialoguer, commenter, l’action.

a love supreme

Le livre voit donc s’élever la lumière et celle-ci laisser place aux ténèbres puis au silence, cet amour suprême est interrompu, foudroyé.

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